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L'herboristerie, un patrimoine immatériel

Nous sommes nombreux, depuis des années, à réfléchir et à engager des propositions pour parvenir à la création d’un diplôme d’herboriste, qui permettrait de répondre à la demande du public et de favoriser le développement de la phytothérapie. Dans un contexte très difficile, cette préoccupation semble marginale, compte tenu des problèmes que doit résoudre la société contemporaine. Mais il me semble que justement la question posée aujourd'hui par le développement et l'usage des plantes est symptomatique de l'état du monde, la marque d'une nécessité tout autant symbolique qu'alternative aux excès consuméristes.

Le métier d’herboriste s’enracine dans la plus lointaine tradition humaine, sur tous les continents ; et pour ce qui nous concerne aujourd’hui, dans la tradition française et européenne. Au long des siècles, la connaissance des plantes a été transmise à la fois par de riches personnalités qui ont émaillé la profession de leurs travaux et de leurs découvertes, ainsi que part l'évolution des usages qui ont amélioré la vie des hommes, leur hygiène, leur santé.
A travers le temps, un vaste savoir s’est établi, hors et dans le champ de la science. Les traditions populaires intimement liées au sentiment religieux ont été complétées par des actions conduites, notamment dans les monastères où furent traduits les auteurs grecs et latins, porteurs des savoirs antiques et où furent développées des connaissances nouvelles.

Au coeur de l’humain sont inscrits les instincts essentiels de la vie et leurs gestes. La cueillette fait partie des archétypes qui constituent les fondamentaux de l’être : cueillette pour la nutrition, pour le confort et le bien-être, pour la médication comme pour l’offrande. Nous en ressentons fortement la présence et l’utilité, elles sont mémorisées et nous les retrouvons en filigrane à travers notamment l’usage des plantes sèches, conservées pour l'infusion.
Une partie de notre société, depuis plus d’un siècle, a organisé une rupture radicale avec les savoirs traditionnels. S’appuyant et bénéficiant de l’effet extraordinaire des découvertes des sciences chimiques et biologiques. Une conquête sans précédent a été engagée au profit d’une partie de l’humanité et nous avons pensé qu'en repoussant bon nombre de maladies, en rationalisant la gestion des ressources, en industrialisant l’agriculture, nous réglerions une grande partie des questions de santé humaine, reléguant au passé toutes les formes ancestrales de soins et de préventions. Mais confrontés aux pollutions chimiques, à la suralimentation, à l' ensemble des dérèglements sans précédent, nous percevons dans les faits une altération de la santé et de l'équilibre des personnes.
Or la vie ne tient pas les mêmes comptes que les hommes ; et la part que collectivement nos sociétés « réalistes » ont pensé soustraire au foyer de l’ensemble de l’humanité, nous revient aujourd’hui comme une souffrance ingérable, inégalitaire et mortifère. Des conséquences majeures sont reportées sur les générations futures.

Dégradations de la nature, écosystèmes en péril, perte de savoirs traditionnels essentiels aux liens humains, aggravation des maladies psychiques, surconsommation de médicaments, développement de toutes natures d’addictions, voilà le prix que nous payons aujourd'hui. Alors, en regardant la balance, en analysant les valeurs, les impacts des comportements, il apparaît que nos contemporains ont une soif quasi irrationnelle de ce que le monde végétal peut apporter, exprimant ainsi le sentiment d'une séparation radicale de l'homme et de son milieu d'origine, au prix parfois, de nouveaux charlatanismes et de promesses intenables.

L'homme moderne n’est pas moins naïf et subordonné à ses peurs que ses ancêtres, elles ont simplement changé de nature. La masse des progrès réels n’intervient que peu sur ses qualités psychiques. La plante retrouve pour nous le lien sacré qui peut apporter soin et réconfort, sous réserve qu' elle ne tombe pas dans l’idolâtrie.
Nous savons qu’une grande partie des médicaments qui nous soignerons demain ne sont pas encore découverts et sont latents dans les plantes qui couvrent la terre. La prise de conscience actuelle de l’impact de l’homme sur son environnement le pousse à prendre conscience de cette séparation presque irrévocable.

Malgré tous les obstacles, dus en particulier à l’urbanisation du monde et l’hyper mécanisation des systèmes ainsi que la temporalité électronique, nous ressentons très fortement ce que nous impose la séparation d'avec notre espace premier, végétal et terrestre, tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel.
La plante devient alors l’interface, à faible coût, entre le sentiment originel et la réalité du temps présent pour ajuster l'équilibre perdu par beaucoup d'entre nous.
Dans ce contexte, l’herboriste doit trouver la place que la société actuelle lui assigne de facto : depuis la longue tradition des cueilleurs, des chamans, des épiciers et des apothicaires, il devrait aujourd’hui permettre de lier tradition et consommation nouvelle, soif de médication naturelle et raisons de l’usage. L’ensemble de ces constats succincts qui nécessiteraient de nombreux commentaires, me conduit à espérer qu’un diplôme d’herboriste voit enfin le jour. Il ne s’agit pas d’entraver l’activité des cueilleurs-producteurs ni de vouloir remplacer pharmaciens et médecins qui peuvent trouver auprès de lui un appui utile et salutaire, mais d’ouvrir un espace de confiance professionnel et responsable, pour le bien-être de nos contemporains.

Afin de rendre ce métier lisible et clair, ne serait-il pas souhaitable que quelque chose se passât sur le plan législatif ? L’herboriste serait habilité à vendre toutes les plantes qui ne possèdent pas de caractère toxique. Il pourrait les mélanger, les préparer, suivant les codes et enseignements qu’il a reçus sanctionnés par un diplôme ou par une équivalence. L’herboriste, ambulant ou sédentaire, pourrait garantir, par la pertinence et la qualité de ses achats, la traçabilité et l’origine de ses plantes ainsi qu'une qualité écologique notamment en matière de protection des espèces menacées.
En ce qui concerne l'éventualité pour un herboriste d'être lui-même producteur récoltant, cela semble possible. Mais cette profession s'exerçant principalement dans les villes, rend complexe la coordination de ces activités.

L'herboriste, devrait avoir des connaissances en botanique, en écologie, des notions de physiologie et psychologie, une bonne connaissance de la diététique et de la phytothérapie.
Il pourrait devenir un des relais d'une écologie populaire et un des acteurs du bien-être de nos sociétés. Par son action vigilante, bienveillante, par ses connaissances et son accueil, il pourrait offrir un service important en ce qui concerne la prévention. Il porterait des valeurs essentielles qui sont universelles. Ni passéiste, ni rétrograde, il serait, dans la tradition, et attentif aux progrès utiles, un pôle urbain ou campagnard, un lien essentiel permettant d'accompagner les hommes.

Il y a peu encore, des avancées ont été espérées, notamment avec le projet de loi Fichet, la coordination des écoles d'herboristerie et leurs actions de sensibilisation auprès du public. Mais il est bien difficile dans le contexte présent, de rassembler des points de vue parfois divergents pour relever ce défi.

L'herboriste est le détenteur d'un patrimoine immatériel dont je me fais ici le plaidoyer et ceci depuis quarante ans. Il me semble néanmoins que la société progresse vers la prise de conscience de la justesse et de la nécessité de réinventer cette profession à la fois pour soutenir notre culture commune et pour le bien et l'intérêt de chacun.

J'espère que cette modeste contribution pourra permettre de participer au dialogue nécessaire entre tous les acteurs concernés.

Jean Maison